Le Bel et la Bête
The scenery I would see every day
Is new if I'm with you
Like beauty and the beast

Les doigts enroulés autour de la petite bête, Kao observe, Kao chérit. Il regarde l'animal effrayé, qui, peu à peu, semble se résigner. L'animal est sale, l'animal est maigre. Il est encore plein de terre, tremblant, le cœur battant au rythme de tambours effrénés. Kao, lui, ne voit pas en lui une bête, mais un nouvel ami. Un protégé, un compagnon, un être avec lequel il partagera son quotidien pour les prochains mois, les prochaines années, s'il est chanceux. Il a les doigts marqués par les tentatives de fuite de la petite bête, certaines morsures ont laissé des traces, mais, trop faible pour se défendre, aucune n'a réussi à l'atteindre jusqu'au sang. Kao n'est pas rancunier. Kao comprend. La peur, le doute, l'inconnu. Il comprend l'instinct de survie, les maigres défenses contre ce géant qui l'a arraché de sa misérable existence dans les recoins sombres des vergers, à la recherche d'une pomme oubliée ou de tout autre fragment de nourriture restant pour tenter de voir un lendemain. Kao comprend, Kao pardonne. Il prend l'animal entre ses mains, comme dans un cocon, et les porte contre son coeur. Là, caché du monde au creux des mains d'un géant d'une autre espèce, l'animal attend son heure. Résigné, affaibli, mal-nourrit et fatigué. Kao, lui, voit un nouveau départ, là où l'animal entrevoit une fin.

Les pas sont rapides, un peu maladroits, alors que l'homme se déplace dans les couloirs. Salles, escaliers, couloirs, salles, portes, attention à la tête, attention aux gens, ouille, l'épaule dans les côtes, pardon madame, excusez-moi. Il s'arrête devant la porte qu'il connait assez bien pour la retrouver: celle de Nacre. Il ne sait pas quels mots poser sur leur relation, quelque chose qui ressemble à de l'amitié, mais il n'est pas tout à fait sûr. Ils ne sont pas aussi proches que certains, mais plus que des inconnus. Quelque chose de flou pour Kao, mais les mots n'ont pas d'importance. Ce qui importe, c'est que Nacre est important pour lui, d'une manière ou d'une autre. Il y a de l'attachement, peut-être quelque chose d'autre, comme un enfant qui regardait un aîné traverser la vie avant lui. Il y réfléchira peut-être plus tard, ou jamais, comme depuis des années déjà. Les mains toujours contre son torse, il entrouvre les doigts pour regarder l'animal. Il respire vite, roulé en boule dans la paume. Kao, lui, sourit. La main gauche s'enroule délicatement autour de la bête, tandis que la droite vint cogner contre la porte.
Nacre? Qu'il lance, avant de prendre le rat sous les pattes avant et le tendre vers la porte lorsque la poignée tourne. Regarde! C'est mon nouvel ami! Grand sourire presque espiègle, quelque chose d'enfantin dans le regard. Une certaine fierté, comme un cadet qui montre sa dernière trouvaille au plus grand.

@Nacre | Appartement de Nacre | 18 mars 2024