@Hael | bars-restaurants | 29/02
La fin d'une journée, pour chaque travailleur du Bâtiment, donne lieu à la possibilité de s'établir quelque part au sein de l'aile de repos afin de profiter d'un répit bien mérité. Claire n'échappe pas à la règle. Avec ses horaires de travail irréguliers, toutes les occasions de se rendre aux bars-restaurants avant leur fermeture est hautement appréciée. Un établissement en particulier fait figure d'endroit de prédilection : un bar plutôt banal, trop peuplé et trop bruyant pour être un salon de thé, mais pas assez pour être un night-club. Parfaitement moyen, tout comme elle.
Invisible parmi la "clientèle" qui ne cesse d'affluer, elle est accoudée à une petite table dont elle a décalé les chaises supplémentaires sur le côté, à disposition de ceux qui en ont besoin. Le message est clair : elle est assise seule, et compte bien le rester. Personne ne doit faire attention à elle et c'est très bien ainsi.
Suffisamment éloignée des portes pour ne pas être exposée aux allées et venues permanentes, et suffisamment en retrait du bar pour se préserver des fortes conversations de ceux qui commencent à s'alcooliser, elle se satisfait de son positionnement discret qui lui permet de siroter son thé en toute quiétude. De temps à autre, ses doigts pianotent sur l'écran de son COM, parcourant les nouveaux messages postés sur le Réseau, avant de se réintéresser à sa tasse et de recommencer, dans une boucle qui semble infinie. Son regard ne quitte pour ainsi dire jamais sa table. Il n'y a qu'une chose capable de lui faire lever le nez : lorsqu'un artiste se produit sur la petite scène qui jouxte le bar. C'est une chose qu'elle attend toujours vivement, bien qu'elle ne l'avouera jamais.
Aujourd'hui, c'est le harpiste qui est présent dans l'établissement. Elle connaît son nom, bien entendu, mais accepter de l'employer, ce serait lui donner plus d'importance qu'elle ne l'aimerait. À vrai dire, elle ignore même si les sonorités de cet instrument lui plaisent, et ce malgré tous les concerts auxquels elle a assisté – lesquels se situent entre un certain nombre et un nombre certain qu'elle fera mine de ne pas connaître. Ce qui est sûr, c'est que son regard ne le quitte jamais pendant toute la durée de la représentation, en dépit de l'agacement viscéral qui lui inspirent ces doigts fins et souples, cette peau diaphane, cette aura de pureté, ce–
Soudain, elle réalise que la musique s'est arrêtée. Il n'y a plus personne sur la scène, et les conversations ont repris bon train. Elle baisse la tête pour museler un soupir, frustrée de s'être une énième fois distraite avec ses propres pensées au lieu de simplement manifester une écoute attentive. Une petite moue lui pince les lèvres alors qu'elle reprend sa tasse de thé en main, à nouveau fermée à ce qu'il se passe autour d'elle.