La réception du message tôt ce matin avait quelque peu doucement égayé le début de journée de Nacre. Pas que la journée commençait mal - c’était plutôt rare qu’une journée commence vraiment mal en ce moment - mais disons que la perspective de passer un midi avec Chrysanthème était franchement plus enthousiasmant que n’importe quel autre déjeuner. Alors forcément, Nacre lui a répondu aussi vite qu’elle pouvait compter sur lui.

Et puis, midi arrive, et Nacre se dirige instantanément vers le dortoir de Chrysanthème dès que la fin des cours est actée. Le chemin vers cet appartement, Nacre le connaît par cœur. Et malheureusement, ce n’est initialement pas pour la meilleure des raisons… Mais aujourd’hui, les faits sont que Nacre, il considère Chrysanthème comme une amie.

Arrivé devant la porte de l’appartement, Nacre frappe de quelques petits coups, avant d’entrer. De là où il se fait accueillir par Chrysanthème, qui, comme à son habitude lui dire de faire comme chez lui, alors qu’elle installe le repas. « Si tu me laisses vraiment faire comme chez moi, alors je vais devoir t’aider à tout installer. Et si je fais ça, tu vas me dire non, je me trompe ? », qu’il lui répond, Nacre, avec un même petit sourire narquois que celui qu’elle lui a fait. Mais c’est parce qu’il l’aime bien, Nacre, qu’il l’a taquine un peu à Chrysanthème. « Ah tiens d’ailleurs, j’ai apporté une surprise. Bon, c’est pas grand chose, c’est les gamins à l’école, ils nous font des recettes de gâteaux en ce moment, on en a à tous les repas… J’en ai pris pour ce midi, je me suis dis que pourquoi pas. ». Il pose le gâteau sur la table - un tiramisu ; à la framboise, ce sont des enfants, on va pas déjà leur donner du café.

« On fait aller. J’essaye du moins. ». Existe-t’il vraiment une réponse précise à donner ? Oui… et non à la fois. Nacre met n’importe qui ayant un adolescent chez lui de donner une réponse claire et précise à cette question ; parce que si quelqu’un en est capable, pour sûr que Nacre accourt écouter ce que cette personne a à dire. « Je peux te demander quelque chose de… bizarre ? ». Comment formuler sa question autrement. C’est que ça le taraude, ça le chiffonne, à Nacre, depuis la veille. « Tu penses que Visha a besoin d’une deuxième figure parentale ? ». Des mots qui résonnent trop dans sa tête, à Nacre. Il y porte sans doute trop attention. Mais il a besoin d’une réponse.

Les sourcils froncés, poings sur les hanches, Nacre se donne pour paraître bien peu content de la blague de Chrysanthème. Mais c’est vraiment juste d’apparence, rien que de visage il est largement possible de voir qu’il pourrait rire d’un instant à l’autre au souvenir bien gênant de ce si mauvais repas qu’ils ont passé parce qu’ils ont lamentablement échoués un gâteau. « Je te signale qu’au moins, on avait réussi à obtenir une médaille avec ! Et toc ! ». Petit clin d'œil, celui de la fausse victoire. Ils avaient surtout eu le droit d’obtenir des cours supplémentaires de cuisine pour rattraper leurs lacunes, ça oui ! Et la seule médaille qu’ils aient pu avoir, c’est celle d’avoir créé le gâteau le plus raté de l’année. Mais Nacre en rigole toujours de ça, c’était un bon souvenir - pas pour les papilles gustatives, ça non - comme il rêverait parfois d’en avoir d’autres.

C’était peut-être le retour de la nostalgie, qui fait paraître tout bien trop sérieux, qui avait lancé Nacre sur la discussion du message qu’il avait reçu la veille.
Assis sur l’une des chaises qui fait face à la table, il cherche une position plus confortable, Nacre, tout en écoutant Chrysanthème. C’est qu’elle a pas tord de dire qu’il vaut mieux qu’une personne présentes que deux absentes. A vrai dire, il en sait lui aussi un peu quelque chose, n’ayant toujours connu que sa mère ; c’est vrai que jusqu’alors tout ceci ne l’avait jamais tiraillé. Mais, quand des personnes que lui, qualifie d’étranger disent certaines choses… Mh, peut-être justement ne devrait-il pas porter trop de considération à cela.

« Mh. Ouais, oui, t’as. Tu dois avoir raison. Je me prends trop la tête. Tss, on devrait avoir des réunions entre parents pour gérer ça. Parce qu’on parle bien de tout ce qui a après la naissance, mais quand ils grandissent ? J’ai parfois l’impression d’être encore plus perdu. ». Il manque presque d’en rajouter que pourtant, il en connaît des gamins, il en voit tous les jours de tous les âges, et pour tous, Nacre se fait du souci pour eux. Néanmoins, pour Visha c’est pire encore. Mais ça, c’est parce que c’est son fils, après tout. « Pardon, je plombe complètement l’ambiance, je crois pas que tu m’ai invité pour que je te parle de mes, euh… soucis de parents ? ». Petit rire en coin, Nacre se redresse, repousse une mèche de cheveux qui venait lui chatouiller le coin du front. « Mais merci, Chrys. Sincèrement. ».

Il attrape l’un des couverts dans sa main, sans pour autant toucher encore à la nourriture, plus manière d’occuper ses doigts. « Tu sais, hier soir on est sorti avec Visha. Y avait bien longtemps qu’on… enfin, même que je n’avais pas été juste me promener comme ça. »

Pour sûr que s’il y avait des cours qui apprenaient à être parents, ça faciliterait énormément la vie de Nacre. Malheureusement, il sait que ce n’est pas quelque chose d’inné, et plus encore, c’est différent en fonction de chaque enfant. Donc au final, on se retrouve à faire plus d’erreurs que de trucs vraiment juste, on se retrouve à devoir s’adapter, et parfois devoir encore s’adapter d’une façon différente. C’est que, ce n’est pas facile d’avoir la responsabilité d’une autre vie que la sienne. Qui plus est, pour Nacre, Visha est certainement la chose la plus précieuse qu’il puisse exister, se faisant, eh ben forcément qu’il passe en top priorité sur absolument tout. Et c’est d’ailleurs un peu comme ça, que Nacre se rend compte en parlant à Chrysanthème, que ce qu’il a besoin, c’est simplement d’être entendu. Ce n’est pas d’avoir des réponses à des questions que personne ne peut avoir, c’est juste qu’on ne l’ignore pas.
Parce que c’est précieux, mine de rien que d’avoir une oreille attentive. Et Nacre, il pourrait remercier Chrysanthème pendant très longtemps encore. Il se contente simplement d’un sourire, un sourire qui voulait, une fois de plus, dire merci.

A l’image de son hôte, Nacre vient également piquer un morceau de nourriture dans son assiette. Du poisson. Mijoté dans une petite sauce vraiment pas mauvaise. Il pèse le pour et le contre de ce que lui propose Chrysanthème.

« Je sais pas, à vrai dire. Plus jeune, ouais, il adorait ce genre de trucs. ». Mais forcément, Visha a toujours été très curieux, alors c’était très simple de lui faire découvrir un peu tout. Mais, maintenant… Nacre n’a qu’à repenser encore une fois aux brèves paroles qu’il lui a dites, l’impression qu’il a que Visha n’a pas envie de croiser certaines personnes bien particulières en allant dans les allées dites vivantes du Bâtiment. Mais de ça, il n’en a jamais parlé à personne Nacre, personne à part la personne concernée - cet imbécile de prof qu’il a Visha, et qui ne veut rien entendre - pour essayer de régler le soucis. Ca n’a pas marché.

« T’as des recommandations d’endroits ? Au hasard, hein, je prends tout ce qui te passe par la tête. ». Il sait qu’elle a tendance à fréquenter les milieux extérieurs, c’est pour ça qu’il lui demande. Et en même temps aussi, tant qu’à faire, voir si Chrysanthème évoque elle aussi le même nom que le nom qu’il a reçu via COM la veille… Juste par curiosité, quoi, rien de plus.

Les mots de Chrysanthème raisonnent en Nacre. Et c’est que ça le met un peu dans une sorte d’inconfort. Il remue un peu sur sa chaise, Nacre, comme s’il cherchait une position où il pourrait y être plus à l’aise. Il vient au final poser la paume de sa main contre son menton, coude sur la table ; pendant que l’autre main tient toujours sa fourchette, trifouillant sans grande motivation le plat. « Eh, je ne peux pas dire que ça soit lui qui m’ait dit ça, maaaaais, je ne peux pas dire non plus que ça vienne totalement de moi. ». C’est compliqué de cerner Visha, il n’est pas du genre très expressif vis-à-vis de Nacre, alors Nacre, ce qu’il fait, c’est se contenter d’essayer de saisir ce qu’il peut des gestes et attitudes. D’essayer de comparer avec ce qu’il connaît, ce qu’il a vécu, et ce qu’il voit. Évidemment, ce n’est pas la meilleure des choses à faire, puisque tout enfant est différent. C’est cependant ce qu’il fait, Nacre, faute d’avoir actuellement trouvé mieux…

« Je… Bon, j’allais encore répondre quelque chose, mais tu risques encore de me dire que je pense à sa place. ». Il lève les mains en l’air, afin d’appuyer ses propos. Il en rigole, Nacre, il se moque de lui-même, parce que techniquement, c’est pas tout à fait faux non plus, hein… « Je vais lui en toucher deux mots, et je te tiendrai au courant. Merci. ». Il termine par un sourire sincère.

C’est dans ces moments qu’il aurait parfois, besoin de laisser s’échapper un peu plus tout ce qui lui pèse. Il sait qu’il peut totalement faire confiance à Chrysanthème, d’ailleurs, il lui fait totalement confiance, pour ça, y a pas à dire. Mais au fond de lui, il garde toujours quelque chose. Pourquoi ? Il n’en a pas la moindre idée. Peut-être qu’il lui manque des mots pour s’exprimer, où alors, peut-être que Nacre, il ne se fait pas suffisamment confiance en lui-même ; c’est peut-être là, le souci. « Mais assez parlé de moi ! Comment tu vas, toi ? ».