Écho

13/02/2024

17/02 — dans la cour centrale — @hael

Esche aime marcher sans but. désœuvré hors de ses heures de travail, il met un pied devant l'autre, et voit curieusement où ça le mène. à son âge, il connait déjà le Bâtiment presque par cœur. les yeux rivés au sol, il compte ses pas, et sait où il se trouve sans avoir à observer les alentours. il sait qu'à un total de 231 pas depuis le logement de sa famille, il atteint la Cour centrale.

et dans la Cour, il sait qu'il peut marcher en rond pendant très longtemps sans être dérangé. les mains dans les poches, les sourcils froncés, la tête alourdie par ses pensées incessantes, il marche. il pense au travail effectué aujourd'hui, au travail à faire demain, à cette tâche vers le joint du 2346ᵉ carreau. à ses frères et sœurs qui lui réclament à manger du poisson à chaque fois qu'il va leur rendre visite, et qui n'hésitent pas à rouer ses côtes de coups de coudes quand ils estiment qu'il parle trop à table et les sermonne sur le fait qu'on mange tout de même bien, et que les portions sont exactement calculées pour être assez nutritives, tiens, cette part contient 37g de protéines, avec le repas que tu as eu aujourd'hui à l'école, ça-

le blabla habituel qui occupe le crâne d'Esche en permanence.
mais un autre son vient s'inviter, un bruit extérieur qui n'est pas le bienvenu au sein des calculs stupides de nutrition. de douces notes d'un instrument qui viennent interrompre ses réflexions. une musique harmonieuse et agréable,
qui l'empêche de s'entendre penser.

il l'entend souvent sans rien dire, en marmonnant dans sa barbe,
peut être est-il un peu perturbé récemment ? hier, il s'est perdu en rentrant,
et aujourd'hui il va aborder le joueur de harpe qu'il connait bien, espérant le faire s'arrêter de jouer.

— bonjour, Hael. toujours là, en train de jouer ? il n'y a pas vraiment d'animosité dans sa voix. il ne montre pas spécialement qu'il voudrait faire taire l'instrument. mais c'est plus fort que lui, les mots débordent de ses lèvres, il ne sait jamais dire qu'une seule phrase. pourquoi tu joues ici et pas dans les salles de concert ? enfin, tu dois le faire de temps en temps, peut être, je ne sais pas, je n'y vais jamais. ce n'est pas que je n'ai pas le temps, mais je n'y pense pas forcément. tu y vas, toi, parfois ? il parvient heureusement à se taire pour laisser la parole à son interlocuteur.
il n'a pas ces problèmes là, quand il converse avec les truites.

13/02/2024

Carassin

La musique soigne et guide, la musique t'ancre dans la réalité et te fait voyager. Qu'est-ce que tu t'ennuierai ici, si la musique n'était pas là ! Encore que, même avec elle, il t'arrive d'avoir l'impression de tourner en rond, de ne jouer que les trois mêmes accords sans arriver à sortir de ton carcan.

Mais aujourd'hui est un jour faste ! Tes doigts agiles naviguent sur les cordes, malgré la douleur sourde à ton poignet droit. Cela fait quelques jours, maintenant, mais tu n'en as parlé à personne, imaginez qu'ils te privent de la musique, toi qui n'est bon à rien d'autre. Qu'irais-tu faire à courir partout, ou à te faire enfermer entre les quatre murs épais d'une petite pièce, devant un bureau où gratter le papier ? Tu ne sais pas ce que tu ferai. Tu ne sais pas ce que tu feras.

L'arrivée d'Esche a le mérite de te faire stopper aussitôt, une mélodie qui s'arrête comme une bulle de savon qui éclate en plein vol. Le dernier la sonne encore, résonne dans tout ton être, tu reposes le poignet douloureux sur ta jambe, bats des cils et l'observe sans comprendre.

- Bonjour, Esche- tu n'as le temps d'ajouter aucun mot de plus, Esche est ainsi, il sait faire la discussion et la monopoliser. Cela ne t'ennuie pas, loin de là, tu es de ceux qui préfèrent écouter, même si tu as toujours une anecdote à raconter, tu te nourris des expériences des autres. Ton sourire est sincère lorsqu'il nait enfin sur ton visage, léger et attendri par son obstination à ne pas faire cesser le flux de ses paroles. Tu veux t'asseoir un instant ?

Esche a l'air d'avoir des tas de choses à raconter, et ce n'est pas le temps qui te manque. Il m'arrive d'y aller, oui, mais c'est plus pour écouter les autres. Je m'y sens un peu à l'étroit et- L'acoustique n'y est pas si bonne, pour ta bonne vieille amie la Harpe. Tu passes tes doigts contre le bois fatigué avant de soupirer. Je suis mieux ici, je vois plus de monde. Tu lui souris à nouveau, ne cherchant pas spécialement son regard. Ça va toi, en bas ? Les poissons ne te mènent pas trop la vie dure ?

Écho

carassin ≋ hael

Carassin