C’est le genre de jour qui est placé sous le signe de l'énervement. Le genre de jour qu’on a aucune envie de voir venir mais qui revient, pourtant, chaque semaines. Le Lundi, bien sûr.
La dernière semaine avait été, MONSTRUEUSE, non pas au niveau du boulot ( ça, c’est régulier donc, c’est plus vraiment une surprise ) mais, bien à cause de l'ambiance générale du bâtiment. Et Rodin déteste ça. Pour UNE FOIS, qu’il aurait pu assister à un truc intéressant, renouveler ses histoires, les rendre plus choquantes…et bien non.

Alors, aujourd’hui il traîne les pieds ( plus que d’habitude ), ses yeux pétillants n’arrivent pas à cacher l’irritation qui s’est propagée dans tout son corps. Ses sourires ne reflètent plus sa malice habituelle, juste un ennui terrible.

Et la seconde moitié de la journée arrive. On a pas idée d’accoucher à un moment pareil !
Ses doigts finissent de taper sur le clavier de son ordinateur le nom du dernier venu au monde, lumière d’un avenir plein d’espoir pour certains, horrible désagrément pour d’autres. Ses yeux, maintenant habitués à leur travail, scannent les documents posés nettement sur son bureau. Aucun signe physique qui ne sort de l’ordinaire, pas de grain de beauté, pas de bras cassé a la suite de l’accouchement, même pas de problème de respiration. Encore un qui va passer sa vie a ne rien faire et qui mourra sans avoir essayer quoi que ce soit d'ordinaire.

Il pousse un soupir et laisse son dos s’enfoncer dans le siège de sa chaise. Plus que 4h de travail, c’est 2h deux fois, 1h deux fois qui se répète une seconde fois. Autrement dit, ce n'est pas la mer à boire. Pas vrai ?  

Rodin n’est pas de cet avis. Son esprit commence petit a petit a chercher la porte de sortie du bureau, a regarder par la fenêtre. Une idée lui vient.

Bon, une fois de temps à autre, ça peut pas faire de mal. Et puis c’est jamais arrivé, avant pas vrai ? Qui pourrait savoir qu’il s'agissait d’un acte délibéré ?  
Il débranche le fil d’alimentation de son ordinateur de sa prise avant de le cacher quelque part dans son bureau qui ne sortirait pas du décor.
Il se racle la gorge puis commence sa comédie.

“ Oh noooon…! L’ordinateur ne fonctionne plus !”

Il ouvre la porte du bureau et commence à faire quelques pas à l'extérieur.

“Il va falloir que j’aille demander de l’aide au support !”

N’importe qui se sensé réussirait à  voir l’anguille sous roche après ces mots prononcés d’une façon encore plus détachée que d’habitude.

Rodin ne s’en inquiète pas. Il ferme la porte du bureau et remonte le couloir qui le mène à la sortie de son aile. Avec de la chance, personne ne lui posera de questions sur son errance suspecte.