Les derniers jours de Nacre, n’ont, pour ainsi dire, pas été des plus tranquilles. Un quotidien quelque peu mouvementé, des pensées qui ont travaillé un peu dans son esprit ; et bien évidemment, le tout s’accompagne d’une fatigue qui s’est accumulée. Ah oui, et il a aussi retardé à toujours plus tard une tâche qu’il s’était promis de faire - et qu’il avait aussi promis à Visha de faire, mais Nacre, il n’est pas certain que ça importe réellement à Visha - qui est d’aller voir le couturier pour raccommoder des habits qui auraient bien besoin d’un bon coup de fraîcheur.

C’est donc ce qu’il s’est promis de faire aujourd’hui, Nacre. En plus, ça a au moins le mérite d’être une activité plutôt reposante et tranquille, parce que c’est bien simple : il n’a rien d’autre à faire que d’entrer dans une boutique, tranquillement bavarder avec le couturier ou la couturière qui se trouvait être présent ce jour-là, et… Et c’était à peu près tout ? Du moins, rien d’autre ne lui vient en tête, à Nacre.

Accompagné d’un sac où les vêtement soigneusements pliés y sont entreposés, Nacre pousse la porte de la petite boutique - d’ailleurs, petite précision mais, les vêtements n’ont de soigneux que leur lavage et leur pliage, parce que leur état, on y repassera, peut-être que le jour où Visha arrêtera d’aller vagabonder proche des champs où n’importe où ailleurs, Nacre n’aura plus besoin de faire de réguliers aller-retours vers les boutiques, d’autant plus qu’à cet âge-là, ça n’arrête jamais de grandir. « Bonjour, je ne dérange pas, j’espère ? ». La porte passée, même pas Nacre n’a vérifié si quelqu’un est déjà là, juste, Nacre il entre, il s’annonce et puis advienne que pourra au pire on lui dira de repasser demain. Ou dans deux jours. Ou pas du tout est si ça se trouve il ne dérange pas.

Au fur et à mesure, Nacre a arrêté de compter ses venues à la boutique de couture. Peut-être qu’au départ, il se disait toujours qu’il s’agissait de sa dernière visite. Mais à force, il s’est résigné, Nacre. C’est peut-être le fait d’avoir un gamin qui grandit bien trop vite, et qui, il est vrai de le dire, se retrouve dans littéralement tous les endroits possibles et imaginables du Bâtiment ; l’addition des deux mène forcément au même résultat.

Dans cette petite boutique de couture - emphase du petite - règne toujours une ambiance calme, presque peut-être apaisante. Un ton qui dénote un peu de l’extérieur, si Nacre devait donner son avis. Honnêtement, tout ceci vient très certainement du couturier, Ulysse, qui garde la boutique la majeure partie du temps… Enfin, du moins, Nacre n’a pour le moment que toujours eu affaire à lui.

Il tend le sac, Nacre, n’a même pas besoin d’indiquer quoi que ce soit, que déjà, fils et aiguilles sont sortis. « J’ai peut-être un peu tardé à venir, ça risque d’être… un peu long. ». Maigre excuse qu’il peut sortir, il sait à quel point faire une tâche monotone peut être très vite lassante, et, même s’il se trouve y avoir différents tissus, reste qu’au final, c’est un peu similaire à chaque fois. Visha étant Visha, il use ses habits de la même façon, qu’il s’agisse de pulls ou de pantalons. Enfin, c’est ce qu’il suppose, Nacre, il n’a jamais été très très doué avec un fil et une aiguille en main, c’est d’ailleurs pour ça qu’il demande à des spécialistes…

« Plutôt un garçon qui vit sa vie d’enfant. », Nacre offre un sourire un peu peiné. Il n’a jamais vraiment apprécié le terme d’enfant turbulent. Peut-être parce que c’est un mot fourre-tout, qu’on utilise quand on se sait pas pourquoi un enfant agit différemment des autres enfants. Peut-être aussi que ça l'irrite davantage, à Nacre, quand c’est utilisé pour décrire Visha. Alors certes, Visha est loin de vivre sa vie d’enfant comme n’importe quel autre jeune de son âge, mais est-ce là un mal suffisant pour le qualifier d’un mot aussi péjoratif ? Cela dit, le couturier n’y en est pour rien, après tout, il ne fait que déduire vis-à-vis de ce qu’il voit, et, comment lui en vouloir après tout puisqu’il s’agit certainement de la première impression ?

Les fils et les aiguilles dansent sous ses yeux. C’est qu’il ne perd pas son temps, voilà tout ce dont pense Nacre. Parfois, il envie un peu ces personnes qui n’ont besoin de pas grand chose pour faire ce qu’ils ont à faire. Attraper ce qu’il y a à faire d’un main, et enchaîner direct, d’un coup, sans avoir un million de contraintes à penser, sans avoir à devoir gérer des choses dont on est pas forcément apte à pouvoir gérer. Parfois, il les envie un peu ces personnes. Et en même temps, il se dit aussi qu’il ne connaît rien à leur vie, et qu’au final, Nacre, il est très bien tel qu’il est.

C’est tout juste s’il ose, Nacre, effleurer du bout du doigts les différents tissus que lui présente Ulysse. Pas que toucher un tissu influence sa couleur, mais, question de tester la texture, voir si cela change quelque chose à la donne. Eh, c’est que Nacre n’a absolument aucune fibre artistique, alors il teste, il fait comme ces gens qu’il voit parfois faire. Et il n’en sait pas plus. « J’aurai tendance à dire juste celui-ci ? ». Il indique, de son index un tissu, à mi-chemin entre du gris et du marron. Un truc pas trop foncé, histoire d’essayer de donner un bref côté coloré, et en même temps pas du clair, parce que habits clairs et enfants, ça ne fait jamais vraiment très bon ménage.

« Je peux quand même m’en remettre à votre jugement ? Vous avez sans doute plus l’habitude que moi, donc si vous pensez que je fais une erreur en choisissant cette couleur, n’hésitez pas à changer. Ça ne me dérangera pas. ». Petit haussement d’épaules, qu’il a, Nacre, avant de finalement attraper la tasse qu’il lui avait été tendue juste un peu plus tôt. « Je vous en prépare un ? ». Parce que, c’est qu’il aurait été extrêmement gêné de s’autoriser un café - où n’importe quoi d’autre d’ailleurs - sans, au minimum en proposer un d’abord. Quand bien même on lui a proposé de se servir, même si la proposition a été inaudible.

Une fois qu’Ulysse lui confirme qu’il veut bien une tasse de café, Nacre s’exécute aussitôt à préparer le café. Enfin, en réalité, c’est davantage la petite machine qui fait tout, Nacre, il a simplement placé une tasse à un bon endroit, vérifié que tout était correctement en place, et appuyé sur un bouton pour lancer le tout…

« Demain soir ? ». Il répète en écho, un brin interloqué, Nacre. Avec tout le tas qu’il a apporté il ne pensait vraiment pas récupérer tout aussi rapidement. Cela dit, peut-être qu’il n’y a pas beaucoup de monde qui ont demandé quelque chose au couturier. « Vous êtes rapide, dis-donc ! ». C’est qu’il ne peut s’empêcher de le faire remarquer, Nacre. « Pas de problème, je viendrais demain. Vous avez mon COM si jamais ça s’avère plus long que prévu ? ». Loin de là l’idée de mettre en doute les compétences de couturier d’Ulysse, mais, la vie nous révèle parfois des surprises qu’on ne sait jamais vraiment de quoi le lendemain sera fait. Et Nacre suppose aussi que ça sera plus facile de dire par un simple message qu’il faudra passer un autre jour, plutôt que de le dire en face…

Mais quoi qu’il en soit, ce tout petit échange dura le temps nécessaire à la préparation du café. Et Nacre vient alors déposer une tasse chaude sur le bord du comptoir, celle préparée pour Ulysse. « Visha. ». Et il répond simplement à la question posée. Faible sourire au bord des lèvres, le sourire qui est toujours présent quand on s’exprime à propos d’un sujet qui réveille de bonnes choses.