Les matinées, encore plus quand on parle du très très tôt, ça n’a jamais été la tasse de thé de Nacre. C’est pas se réveiller qui est dur, c’est devoir quitter son chez-soi bien douillet, pour aller faire, encore et encore, les mêmes choses tous les jours. Il y a des semaines, il préférerait que son jour de repos, ça soit tous les jours… Mais du coup, comme c’est pas possible, eh ben il faut faire avec.

Question d’habitude aussi, Nacre arrive assez tôt à l’école, histoire d’avoir le temps de se préparer, et de ne pas tout faire à la dernière minute, et plus encore : profiter du silence du lieu avant l’arrivée des enfants, où bien évidemment, à partir de ce moment-là, adieu silence, bonjour brouhaha. Mais c’est qu’il semblerait qu’aujourd’hui, on soit venu lui mettre des bâtons dans les roues.
Enfin, ce sont pas de gros bâtons dans les roues, juste les gens désignés au lavage des vitres qui font leur boulot ; mais bon, c’est qu’on l’a pas prévenu, à Nacre. Pas prévenu, où alors, soit il a pas écouté quand on le lui a dit - très peu probable - soit il a été jugé que c’était pas important de prévenir le personnel - très probable. Non parce que, gérer des gamins quand ces derniers ont la possibilité de dessiner des choses sur les vitres encore humides… On ne s’imagine vraiment pas l’imagination débordante que disposent les enfants. Il soupire, Nacre, il soupire, mais de toute façon, il fera avec ; c’est qu’il n’a pas le choix, et ce n’est ni la première fois, ni la dernière fois.

Et alors qu’il allait entrer dans le couloir principal, Nacre, il croise Plume. « Tiens, tu feras gaffe, il reste une trace, juste là. ». … Promis juré, un jour, Nacre il arrêtera d’aller embêter Plume quand il l’a croise, mais… On dirait presque que c'est un réflexe. Un réflexe naze, faut l’avouer. Lui-même le reconnaît, autant que sa blague nulle. « Pardon, je... C’était nul. ». Il soupire, et faute de meilleure excuse, il s'enquiert de l’avancée du lavage de vitre. « Vous avez bientôt fini ? Parce que c’est pas une idée extraordinaire de rester là avec les enfants… ». Pour une raison qui le dépasse, Nacre n’est jamais arrivé à parler à Plume de sa façon naturelle.

C’est qu’il faut croire que ça le fait rire, à Nacre, de faire des blagues pas ouf. Même s’il s’excuse d’en faire. Parce que la réaction de Plume fait que c’est un sourire de fierté qui s’affiche sur le visage de Nacre. Une partie de lui aurait bien voulu rétorquer encore quelque chose derrière, une autre l’a freiné, et c’est tant mieux, parce que ça aurait sans doute été aussi pitoyable que la blague initiale…

« Non, bien sûr que non j’en suis pas au courant. ». Il accompagne ses mots en secouant la tête à la négative, histoire d’appuyer ses propos. « Enfin, je crois que même au courant, ça n'aurait rien changé. ». Haussement d’épaules, parce que c’était vrai, prévenu ou pas, de toute façon, les enfants auraient eu les mêmes réactions. La différence aurait été que dans un cas, ils auraient pu possiblement prévoir quelque chose en début de journée, là, eh ben ça va être l’improvisation la plus complète, mais bon, ça va, Nacre il a fini par avoir l’habitude d’improviser ses journées à force.

« Et sinon, je sais pas ? Je crois qu’on s’habitue. Et puis, je sais qu’on dirait pas, mais parfois c’est calme ! ». Et d’une façon générale, Nacre aurait tendance à dire que voir des enfants évoluer est largement supérieur à n’importe quelle contrainte qu’il faille endurer. « Mais, tu sais, si j’étais dans ton cas, je pense pas que je pourrais supporter aussi. ». Il hausse à nouveau les épaules Nacre. « Enfin, je peux faire quoi que ce soit pour t’aider ? Compte pas sur moi pour laver les vitres, mais si je peux t’avancer sur autre chose. ». Évidemment que c’est à moitié faux, parce que si on lui demande, Nacre ira sans problème laver les vitres, mais bon, il ne le dira pas.